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UN General Assembly: President Michel addresses global challenges; speech focuses on peace, security, multilateralism at 79th session

September 27, 2024 (press release) –

Monsieur le président de l’Assemblée générale,
Excellences, 
Mesdames et Messieurs,

Lorsqu’on pénètre dans ce bâtiment, le regard est attiré par une lumière bleutée. 
C’est le Vitrail de la Paix. Au cœur des Nations unies, il est dédié à ceux qui servent la paix. Il a été créé par Marc Chagall. Un juif russe qui a vécu la majeure partie de sa vie en exil, traversant deux guerres mondiales. 
Pour garantir la paix et la sécurité mondiales reconquises en 1945, les promesses de liberté et de solidarité ont été gravées dans la Charte des Nations unies.
Ceci est le dixième discours consécutif que j’ai l’honneur de prononcer à cette tribune. En 2015, j’avais énuméré «  les défis de notre génération (…): les conflits, la pauvreté, le climat, les migrations... ». 
Aucun de ces défis n’a disparu. Mais nous pensions à l’époque disposer d’un cadre solide - l’ordre multilatéral - qui nous permettait d’y travailler ensemble.
Dix ans plus tard, ce cadre est en train de se fissurer sous nos yeux. 
Usage de la force et actes unilatéraux se multiplient. Et nous assistons, avec un sentiment d’impuissance, à trois conflits majeurs qui forment un cocktail explosif.

En Ukraine, c’est un membre permanent du Conseil de Sécurité qui a lancé une guerre illégale et non provoquée.
C’est une tentative flagrante d’imposer la loi de la force, plutôt que la force de la loi. 
Cette guerre n’est pas seulement un menace pour l’Ukraine. C’est une menace pour chacun d’entre nous. 
L’Union européenne soutiendra l’Ukraine aussi longtemps que nécessaire. 
Et fidèles à la promesse de liberté et de solidarité, nous réaffirmons notre engagement en faveur d’une paix globale, juste et durable, qui doit être fondée sur la Charte des Nations unies.

Liberté et solidarité. C’est en vertu de ces mêmes principes que nous condamnons les attaques terroristes abjectes portées par le Hamas. Et nous exigeons la libération de tous les otages, sans conditions. 
Israël a le droit de se défendre. Dans le respect du droit international. Et du principe de proportionnalité. 
Nous voulons un cessez-le-feu immédiat. Conformément à l’ordonnance de la Cour internationale de Justice.
Chaque vie civile compte. Nous condamnons donc les attaques indiscriminées qui frappent les populations civiles.
L’UE agit et veut agir davantage pour une paix durable dans le cadre d’une solution avec deux États. 
L’escalade sans fin doit cesser. Et entraîner le Liban dans cette spirale est irresponsable.
Ces appels, y compris envers le gouvernement d’Israël, ont été vains jusqu’ici. 
Cela ne peut plus durer. Nous soutenons l’existence d’un État d’Israël démocratique, fort, vivant en paix et en sécurité aux côtés du peuple palestinien qui doit disposer de son propre État viable et stable. Le peuple palestinien mérite respect et dignité.
Mais je le dis au gouvernement d’Israël : viser la sécurité en négligeant la paix est un leurre. Cela ne fonctionne pas. La paix est la meilleure garantie de sécurité.   
Un monde alimenté par la vengeance et les châtiments collectifs est un monde moins sûr. Le peuple palestinien a droit à son État. Lui dénier ce droit nourrira indéfiniment les menaces sur la sécurité des Israéliens. Cela nourrit la polarisation dans le monde.  Cela rend le monde plus dangereux. Et cela mine un système multilatéral qui ne peut tolérer le deux poids deux mesures.

La guerre civile au Soudan fait rage : violence, brutalité, viols… Et comme toujours, les femmes paient le prix fort. Une gigantesque catastrophe humanitaire, 20.000 morts, des millions de personnes en situation d’urgence et déplacées… Et c’est toute la Corne de l’Afrique qui menace de basculer dans le chaos… Or, que sont ces deux généraux en guerre sans leurs soutiens extérieurs ? Les livraisons d’armes doivent cesser. Nous pouvons faire cesser ce conflit si nous le voulons. Alors agissons et mettons en œuvre le processus de réconciliation et de paix.

Mesdames et Messieurs,
La vie d’un enfant tué dans une école bombardée est précieuse. En Ukraine, à Gaza, ou ailleurs… 
La dignité bafouée d’une femme violée est sacrée. En temps de guerre comme en temps de paix. Au Soudan, en Ukraine, ou ailleurs... 
Priver de nourriture toute une population est un crime de guerre. En Ukraine, à Gaza comme au Soudan ou ailleurs… 
Un crime est un crime. Quel que soit l’auteur, quel que soit le lieu. Et notre indignation n’est sincère que si elle est universelle. L’Union européenne défend avec la même vigueur le droit international, le droit humanitaire, partout et toujours. 
Et nous condamnons les actes de déstabilisation, quels qu’en soient les auteurs. 
Je pense au soutien de l’Iran à des proxys qui ravagent et fragilisent le Moyen-Orient. Et au soutien militaire de l’Iran à la guerre menée par la Russie en Ukraine. 
Un constat s’impose. Iran et Russie pratiquent les mêmes recettes : menace nucléaire, ambition impérialiste teintée de nostalgie, et soutien à des groupes terroristes sans foi ni loi pour déstabiliser le voisinage et au-delà. 

La création des Nations unies et du système international fondé sur des règles fut une avancée remarquable. Revenir en arrière, c’est revenir à la guerre ! Plus que jamais depuis 1945, le monde est bousculé par un cocktail explosif de chocs, qui s’additionnent et s’accélèrent. La Troisième guerre mondiale est possible. Il est urgent de retrouver nos esprits. Cela exige de la coopération. Et surtout du courage. 
Nos règles communes doivent être respectées. Pour cela, le Conseil de sécurité des Nations unies doit se libérer du joug paralysant que devient le droit de veto dans sa forme actuelle. Le Conseil de sécurité n'est pas représentatif. Il est peu légitime. Et surtout, il est inopérant. Le Conseil de sécurité est de plus en plus un mort-vivant.. 

En juin 1945 lors de l’adoption de la Charte des Nations, le président Truman avait dit : « Cette Charte (…) sera élargie et améliorée au fil du temps. Personne ne prétend qu'elle est aujourd'hui un instrument définitif ou parfait. (...) L'évolution des conditions mondiales nécessitera des réajustements. » Les décennies ont passé, le monde a changé… Les ajustements n’ont pas eu lieu. Et pourtant, il faut réformer le Conseil de Sécurité. En le rendant plus inclusif. L’Afrique et, selon moi, l’Amérique latine notamment doivent y disposer de sièges permanents. Et les organisations régionales doivent être davantage intégrées aux processus de décision des Nations unies. Y compris en leur donnant une voix consultative systématique au Conseil de sécurité. 

Il n’y a pas de liberté quand les sécheresses dévastent nos cultures. 
Il n’y a pas de liberté quand les inondations ravagent nos maisons.
Il n’y a pas de liberté quand nos enfants ne seront pas vaccinés contre une épidémie. 
Le réchauffement climatique et les pandémies nous ouvrent les yeux sur l’exigence de solidarité. Ce n’est pas seulement une question de dignité et de générosité. 
C’est aussi l’intérêt des pays développés de soutenir la transition climatique des pays en développement et de les aider à renforcer leurs systèmes de santé. C’est dans cet esprit que j’ai lancé avec le Dr Tedros en 2020 l’idée d'un traité international sur les pandémies. Nous avons réussi à entraîner la communauté internationale dans la négociation d’un accord international. Cette négociation est très avancée. Il est temps de la conclure. Le mpox est un nouveau signal d'alarme. Il est inacceptable que des lobbies et des égoïsmes barrent le chemin aux indispensables partages des vaccins et des technologies vaccinales. 

Il n’y a pas de liberté dans un monde où chacun est réduit à ses données personnelles, à une cible commerciale ou à une cible à surveiller et à manipuler. La révolution numérique – et son produit phare qu’est l’intelligence artificielle - est un moteur extraordinaire de progrès. Un nouveau carburant pour la prospérité. A condition de servir l’humanité, la liberté, les droits humains. Ne commettons pas l’erreur d’abuser des données personnelles, comme nous avons abusé des ressources naturelles jusqu’à mettre notre planète à l’épreuve. 
Les données et l’intelligence artificielle sont des instruments de pouvoir, voire d’asservissement ou de domination économique et politique. Et désormais aussi des armes de guerre. Nous devons encadrer ces progrès à l’échelle globale. Nous soutenons les efforts du Secrétaire général des Nations unies qui travaille en ce sens. Et si la compétition technologique est saine, parce qu’elle favorise le progrès, elle doit aussi se dérouler dans un cadre commun avec des règles de jeu équitable. L’Union européenne est engagée dans ce dialogue global. Dans le cas du G7, bien sûr. Mais également avec le reste du monde, Afrique, Amérique latine, Asie… 
Et nous dialoguons y compris avec ceux dont nous combattons les idées et parfois les comportements. 
La Chine est un acteur indispensable pour relever les grands défis mondiaux.
L’Union européenne cherche à rééquilibrer ses relations économiques avec la Chine, à réduire les risque et à diversifier ses chaînes d’approvisionnement. Car les dépendances excessives ouvrent la voie à des vulnérabilités et donc des conflits.
Nous demandons aussi à la Chine de ne pas soutenir la Russie, ni directement ni indirectement, dans sa guerre illégale contre l’Ukraine. Mais d’user de son influence afin de faire respecter la Charte des Nations unies. 

L’architecture financière internationale doit réduire les inégalités, pas les amplifier. Quand le paysan kenyan n’a pas accès à des micro-crédits à des taux abordables, ce n’est un détail. C’est un enjeu de développement global. Sans développement durable et équitable, il ne peut y avoir de stabilité et de sécurité globales. Le développement mondial est sous-financé. L'écart entre les besoins en investissement annuel et les ressources financières mobilisées est gigantesque. 
Le système de Bretton Woods doit changer profondément. La puissance de feu financière des banques multilatérales de développement doit être démultipliée, à la hauteur des besoins réels des populations. Pour faire reculer la menace climatique et avancer la prospérité. Et les pays créditeurs doivent être plus courageux pour restructurer les dettes et réallouer les droits de tirage spéciaux.
La solidarité ne consiste pas seulement en des transferts de moyens financiers ou technologiques. La solidarité, ce sont aussi des efforts de gouvernance : améliorer l’environnement des affaires, renforcer la sécurité juridique et mobiliser les ressources propres des pays en développement. Comme l’a expliqué avec franchise Mo Ibrahim  : « Si l'aide économique et les efforts d'assistance à l'Afrique sont des actes de solidarité merveilleux et louables, nous devons changer la façon dont (les) pays sont gérés. » Et je le précise : cela vaut aussi pour les pays développés. 

Excellences,
Mesdames et Messieurs, 

Permettez moi de conclure mon dixième discours à cette tribune par quelques convictions personnelles.
La première… 
Le deux poids deux mesures est le poison contemporain des relations internationales.
Lorsque nous défendons la dignité humaine, la souveraineté territoriale, les élections honnêtes et équitables, nous devons les défendre et les protéger partout et toujours.
Chacun doit se regarder dans le miroir. Nous sommes tous légataires de nos histoires, de nos cultures, de nos traditions et aussi de nos erreurs respectives. Chacun doit tirer ses leçons avec modestie pour s’efforcer de devenir meilleur. L’Europe est parfois maladroite, mais elle agit sincèrement et de bonne foi pour que la liberté et les droits humains soient respectés partout. 

Deuxième conviction.
Nous devons rejeter la confrontation bipolaire et agir résolument pour un monde multipolaire et un cadre multilatéral. Où chaque pays ou groupe de pays choisit sa voie pour prospérer. Et où tous coopèrent en suivant les règles décidées ensemble.
Et résistons aux pressions pour choisir un camp contre l’autre dans la confrontation bipolaire qui ne peut mener qu’au pire. 

Troisième conviction enfin. 
Je crois profondément à la coopération entre les organisations régionales. Je me suis personnellement investi ces cinq dernières années dans le développement des partenariats de l’Union européenne: avec l’Union africaine, la CELAC, l’ASEAN, le Conseil de coopération du Golfe, les pays d’Asie centrale… Ce réseau de coopérations est un tissu stabilisateur et porteur de grand progrès. 
L’Union européenne veut être plus forte et plus autonome, pour renforcer sa capacité à interagir et travailler avec d’autres pour la paix, la liberté et la solidarité. 
Et je sais que beaucoup dans le monde attendent une voix forte de l’Union européenne.
Deux guerres mondiales, l’Holocauste, la négation absolue de l’humanité…  Le continent européen porte ces cicatrices indélébiles. Et une responsabilité particulière dans la défense de la liberté, de la solidarité, et de la dignité humaine universelle. Le projet européen est celui de la réconciliation, de la coopération, et puis de l’amitié et de la fraternité. C’est donc une inspiration et un espoir. L’optimisme est un devoir. Nous pouvons une fois encore changer le cours de l’histoire. Nous ressaisir. Il n’y a pas de fatalité. Plus de paix et de sécurité, c’est possible. Plus de liberté et de solidarité, c’est possible. 
La paix requiert des efforts. Elle n’est jamais donnée. Elle est délicate. Difficile à réparer quand elle se brise. Mais elle est magnifique. Lumineuse. Comme le Vitrail de Marc Chagall. Soyons sans relâche des artisans de paix. Vous pouvez compter sur l’Union européenne.
Je vous remercie.

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